Le désir sexuel: partie 1
Le désir sexuel. Ce fameux concept qui fascine, qui porte à questionnements et à prises de tête.
Le désir sexuel est l’un des enjeux les plus complexes de notre sexualité humaine. Il est multifactoriel, sensible, parfois envahissant et souvent mal compris. Le but de cette section sur le désir est de le démystifier et de l’éclairer, afin de se normaliser un tout petit peu et de voir où ça cloche dans notre expérience.
Premièrement, le désir sexuel réfère à l’intérêt général qu’on porte envers la sexualité. Est-ce quelque chose qui m’attire? Ai-je envie de sexualité? Est-ce que je ressens des envies sexuelles dans ma vie? On mélange souvent désir et libido. La libido réfère davantage au concept freudien d’énergie sexuelle ou de pulsion sexuelle. Toutefois, par souci d’uniformité, tenons-en nous au terme de désir.
Comme nous l’explique si bien Emily Nagoski dans son célèbre livre Come as you are (v.f. Réjouissez-vous), le désir sexuel fonctionne selon un processus cognitif, développé par Erick Janssen et John Bancroft, dans les années 1990, s’intitulant le modèle à double commande. (Pour plus de détails, donnez un petit coup de lecture à Mme Nagoski). Essentiellement, le désir sexuel est le résultat du commandement particulier entre les accélérateurs et les inhibiteurs.
Nous avons tous la même façon d’opérer. La présence d’accélérateurs favorise et stimule le désir, alors que les inhibiteurs freinent et préviennent son apparition. C’est à ce moment qu’apparaissent les deux types de désir sexuel: le spontané et le réactif.
À partir de notre cher modèle à double commande et en fonction de nos différences individuelles, nous n’allons pas opérer de la même manière. Une personne ayant un désir sexuel spontané aura une plus grande sensibilité aux accélérateurs. Ainsi, la simple vue de son.sa partenaire en train de s’habiller ou l’unique pensée à des ébats torrides passés viendrait activer le désir. De plus, la personne ayant un désir spontané aura une plus faible sensibilité aux inhibiteurs. Malgré la présence de fatigue, de stress ou d’une chicane au bureau, le désir sexuel de cette personne pourrait naître si un accélérateur s’ajoute à l’équation.
Pour ce qui est du désir sexuel réactif, la plus faible sensibilité se trouvera au niveau des accélérateurs. Il serait nécessaire d’en avoir 3 ou 4 pour amener à déclencher le désir. On peut penser à vouloir se sentir propre, passer un moment de qualité avec son.sa partenaire ou mettre notre musique préférée dans les hauts-parleurs. De l’autre côté, la personne ayant un désir sexuel réactif aura une plus grande sensibilité aux inhibiteurs. Un conflit avec son.sa partenaire ou la présence des enfants dans l’espace de vie pourrait rendre difficile, voire impossible, l’apparition de désir malgré la présence d’accélérateurs.
Tout ceci est, par conséquent, dépendant du contexte dans lequel nous nous trouvons. Un contexte favorable, comme une période de vie épanouissante, un lien sécure avec son.sa partenaire et un espace d’autonomie personnelle nourrira notre machine interne à désir. Contrairement, un contexte défavorable, comme une période de deuil, de remise en question ou d’enjeux de santé, par exemple, empêchera notre système de fonctionner à pleine capacité.
Il existe, bien sûr, des différences individuelles et culturelles, et des variations au sein même de ces groupes. On peut observer qu’en majorité, les hommes auraient davantage un désir sexuel spontané et les femmes un désir sexuel réactif, bien que la tendance semble s’équilibrer. La pornographie nous montre que la simple vue d’un pénis en érection déclencherait le désir de la personne intéressée ou qu’une stimulation génitale provoquerait un “oui!” enthousiaste. Les films nous ont peint à mainte reprises le scénario haute en intensité d’une rencontre coup de foudre se précipitant vers la chambre à coucher. Les histoires de nos ami.e.s nous enseignent comment une simple proximité physique suivie d’un baiser déclenche un ébat amoureux.
Pourtant, nous oublions l’autre pan de l’humanité. Nous oublions que dans une relation amoureuse long terme, le désir spontané tend à s’estomper avec le temps, principalement pour la personne ayant un désir sexuel réactif. L’erreur se trouve alors dans la force qu’on impose à retrouver un désir spontané comme gage d’une vie sexuelle conjugale épanouie. Toutefois, la clé se trouve davantage dans la faculté des partenaires à maîtriser le fonctionnement du désir sexuel réactif, et à le cultiver. C’est en s’y concentrant qu’on apprend véritablement à créer un contexte sexuel favorable pour tout le monde.
Je vous invite alors à vous questionner sur la culture de désir que vous souhaitez nourrir dans votre vie et dans vos relations. Suis-je dans un contexte favorable pour mon style de désir? Suis-je conscient.e de mes accélérateurs et de mes inhibiteurs? Qu’est-ce qui constitue un contexte défavorable pour moi? Les réponses à ces questions vous permettrait, un tant soit peu, d’établir un portrait plus clair sur la façon de vivre une sexualité qui vous convient.