Le désir sexuel: partie 2
Nous parlerons ici des grands tueurs du désir sexuel.
Avant de commencer, faisons la distinction entre un “tueur” et un frein au désir sexuel. Un frein, ou inhibiteur, est un élément qui vient ralentir et freiner l’émergence du désir. Les freins ont davantage un caractère spécifique pour chaque individu. Au contraire, un “tueur” de désir vient rendre très ardu, voire impossible, la présence de désir authentique chez une personne. Les tueurs, lorsqu’ils sont présents, affectent l’ensemble du système de bien-être de cette personne.
La violence
Premièrement, notons que toute forme de violence est inacceptable entre personnes. Que ce soit de la violence psychologique, verbale, physique, sexuelle ou économique, les comportements et gestes posés ont de profonds impacts sur l’intégrité et la dignité d’une personne. En altérant le sentiment de sécurité, d’autonomie et la liberté d’un individu, on affecte par conséquent son rapport à soi et aux autres. Une personne victime de violence peut avoir le sentiment de ne plus s’appartenir. Un état de peur, de vigilance et de survie est présent. Le désir sexuel, au sens pur, est donc inexistant puisque les besoins de bases ne sont pas répondus. Être en sécurité et se sentir libre sont des facteurs essentiels à un contexte favorable pour l’émergence du désir. Ainsi, en contexte de violence, l’instinct de survie et de protection prédomine, pouvant même subsister une fois sorti d’un tel contexte.
2. Le discours de besoin
Dans notre conceptualisation ambiante de la sexualité, on peut avoir le réflexe de parler de sexualité en termes de besoin. On associe les relations sexuelles à des besoins de base, à des impératifs relationnels, plutôt qu’à des désirs et intérêts personnels. Le discours de besoin se manifeste, entre autres, dans les relations amoureuses, dans la gestion de l’excitation sexuelle et même dans le dating. Des phrases comme “J’ai besoin de relations sexuelles dans mon couple”, “J’ai besoin d’assouvir mes pulsions sexuelles”, “J’ai besoin de tester le sexe avant de m’engager” peuvent se faire entendre. Ces discours renforcent la perception que vivre des activités sexuelles est un non-négociable. Ils sont formulés et entendus comme une demande imposée sur l’autre. Que la réponse à nos envies, émotions et besoins relationnels et identitaires n’est possible que par la proactivité du/de la partenaire. Toutefois, la sexualité et le désir existent dans le vouloir, et non dans le devoir. Lorsqu’on qualifie nos désirs et envies en termes de besoin, on laisse peu de place à l’autonomie et au libre-pouvoir. Le discours de besoin impose une tâche, un devoir, une obligation. Tout ce qui n’est pas érotique.
3. Le stress
Dans cette catégorie, on peut inclure tout émotion et état affectant la santé mentale: stress, anxiété, dépression, panique, etc. En état de stress, notre système nerveux est activé. On entre en mode surveillance, vigilance, protection. La perte de contact avec la réalité laisse un voile sur notre vision du monde et de nous-même. On peut sentir une déconnexion à son corps, à ses sensations, vivre des symptômes de dissociation. On peut percevoir des dangers, réels ou anticipés. On devient de moins en moins attentif et rigoureux face à nos besoins de base. Le stress prend toute la place. La perte de présence et l’agitation nerveuse créent un déphasement avec l’entourage et soi-même. Pour naître, le désir sexuel a besoin d’espace et de liberté. L’esprit et le corps ont besoin d’être ouverts et disponibles afin de pouvoir répondre aux stimuli. Ainsi, en état de stress, l’attention est portée sur sa résolution plutôt que sur l’exploration d’un plaisir.
4. Les enjeux personnels et relationnels
Au sein d’un couple en difficulté, deux tendances émergent. Une personne cherche à solidifier le lien et à réparer les enjeux à travers l’exercice de la sexualité et une personne cherche à réparer les enjeux avant de pouvoir réinvestir la vie sexuelle. En période de difficultés, on peut noter une présence accrue de frustrations, de conflits et de déconnexions pouvant être marqués par du mépris, de l’attaque et de la défensive. Les différentes formes d’intimité, de complicité et de démonstration d’amour diminuent, laissant à la charge des relations sexuelles la tâche de tout réparer. Cette pression imposée sur les activités sexuelles rappellent des sentiments de stress, d’obligation, voire de vengeance. Les enjeux relationnels déclenchent une série d’inhibiteurs au désir qui sont eux-mêmes exacerbés par l’empressement de tout régler à la fois. Des effets similaires se présentent lorsqu’une personne vit des enjeux personnels. Que ce soit des enjeux de santé physique ou mentale, de la maladie, un épuisement professionnel, ou des questionnements identitaires, ils déstabilisent nos repères et nos priorités. Les épreuves personnelles et de vie descendent la sexualité dans notre liste de priorités, et par conséquent l’espace disponible pour le désir.
5. Les manques de respect
Parfois, les manques de respect sont plus subtils que la violence pure et dure. Ces manques se manifestent autour des limites et de l’intégrité d’une personne. Ce sont des micro-agressions, comme des contacts physiques invasifs et dont les préférences ont été exprimées. Ce sont des comportements et des tendances à se forcer, à ne pas s’écouter entièrement. Ce sont des passe-droits au consentement qui n’est pas libre, éclairé et enthousiaste; c’est de ne pas s’assurer du consentement de son.sa partenaire en présence de doutes, ou par simple négligence. Les manques de respect créent un univers relationnel dans lequel on ne se sent pas totalement en sécurité, pas totalement libre. Ils ajoutent au caractère d’obligation comme seule ressource disponible dans l’espoir de retrouver du respect. Cette ambiguïté latente, et parfois explicite, tue le désir à petit feu, rendant la possibilité de le faire naître ardue. Pour vivre et ressentir un désir sexuel authentique, l’espace doit être permis et affirmé pour les limites de chacun.